transmettre son patrimoine de son vivant
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Publié le 6min

Transmettre son patrimoine de son vivant : solutions pour une succession optimisée

L’anticipation est le maître mot en matière de transmission de patrimoine. Il est en effet possible de transmettre votre patrimoine de votre vivant à moindre frais, à condition de bien organiser cette démarche en amont. La première étape est d’abord de se renseigner sur les différentes solutions possibles. Focus sur quatre possibilités pour transmettre votre patrimoine de votre vivant.

La donation de son vivant

La donation représente l'outil le plus direct pour transmettre son patrimoine de son vivant. Elle consiste à transférer définitivement la propriété d'un bien à une autre personne, sans contrepartie et de manière irrévocable. Cette simplicité apparente cache néanmoins certaines exigences : le donateur doit être sain d'esprit, majeur ou mineur émancipé, et posséder la capacité juridique de gérer ses biens.

Contrairement aux idées reçues, la donation ne se limite pas aux sommes d'argent. Elle peut porter sur une multitude de biens : immobiliers, mobiliers, valeurs mobilières ou encore droits de propriété intellectuelle. Cette flexibilité en fait un outil particulièrement adapté à toutes les situations patrimoniales.

Les différentes formes de donations

Plusieurs mécanismes de donation coexistent, du plus simple au plus structuré :

  • Le présent d’usage : un cadeau offert lors d’un événement familial tel qu’un anniversaire, un mariage, les fêtes de Noël, etc.
  • Le don manuel : il s’agit de la transmission d’objets ou d’une somme d’argent uniquement, qui peut être réalisée de la main à la main ou par virement bancaire, par exemple.
  • La donation par acte notarié : elle concerne la transmission d’un bien immobilier, la donation par contrat de mariage, la donation-partage, la donation au dernier vivant, la donation au profit de deux bénéficiaires successifs ou encore la donation avec réserve d’usufruit.

Parmi ces donations notariées, on trouve :

  • La donation-partage : c'est l'outil idéal pour anticiper le partage de ses biens entre ses héritiers présomptifs. Son immense avantage est de figer la valeur des biens donnés au jour de la donation, et non au jour de la succession. Cela évite les querelles futures si l'un des biens a pris beaucoup plus de valeur qu'un autre. Elle peut être faite au profit des enfants, mais aussi des petits-enfants.
  • La donation entre époux ou "au dernier vivant" : elle ne prend effet qu'au décès de l'un des conjoints. Elle permet d'augmenter la part d'héritage du conjoint survivant, lui offrant une protection accrue.

Il existe encore la donation avec réserve d'usufruit. Nous la détaillerons plus loin dans cet article, car c'est une stratégie à part entière.

La fiscalité avantageuse des donations

L'État encourage la transmission anticipée du patrimoine via des abattements fiscaux qui se renouvellent tous les 15 ans. Ces abattements réduisent l'assiette taxable des donations :

  • Abattement en ligne directe : 100 000 € par parent et par enfant. Un couple peut donc donner 200 000 € à chaque enfant sans aucun droit à payer.
  • Don familial de sommes d'argent : un abattement supplémentaire de 31 865 € s'applique pour les dons d'argent, si le donateur a moins de 80 ans et que le donataire est majeur.
  • Autres abattements : 80 724 € entre époux/partenaires de Pacs, 31 865 € pour les petits-enfants, 15 932 € pour les frères et sœurs, etc.

Grâce au cumul de ces dispositifs, un couple de moins de 80 ans peut ainsi transmettre à un enfant la somme de 263 730 € (100 000 € x 2 + 31 865 € x 2) tous les 15 ans en totale franchise d'impôt.

Le démembrement de propriété : transmettre en conservant la jouissance

Le démembrement de propriété est une technique juridique et fiscale particulièrement sophistiquée pour transmettre son patrimoine. Elle consiste à diviser la pleine propriété d'un bien en deux droits distincts et temporaires :

  • L'usufruit : c'est le droit d'utiliser le bien (usus) et d'en percevoir les fruits (fructus). Pour un logement, cela signifie pouvoir y habiter ou le mettre en location et en encaisser les loyers. L'usufruitier assume les charges courantes et les taxes.
  • La nue-propriété : c'est le droit de disposer du bien (abusus), c'est-à-dire de le vendre (avec l'accord de l'usufruitier). Le nu-propriétaire a la certitude de devenir plein propriétaire à l'extinction de l'usufruit, généralement au décès de l'usufruitier. Il est responsable des grosses réparations.

La stratégie consiste donc à donner la nue-propriété d'un bien à ses héritiers tout en conservant l'usufruit. Vous continuez ainsi à vivre dans votre maison ou à percevoir les loyers de votre appartement locatif, tout en n'en étant plus juridiquement le plein propriétaire.

Les avantages fiscaux du démembrement

L'intérêt fiscal s'avère particulièrement attractif. Les droits de donation ne sont pas calculés sur la valeur totale du bien, mais uniquement sur la valeur de la nue-propriété. Cette valeur dépend d'un barème fiscal basé sur l'âge de l'usufruitier :

  • 50 % pour les moins de 51 ans
  • 60 % entre 51 et 60 ans
  • 70 % entre 61 et 70 ans et ainsi de suite.

Plus la donation est effectuée jeune, moins la nue-propriété a de valeur fiscale, et donc plus les droits de donation sont réduits. Par exemple, un propriétaire de 65 ans qui donne la nue-propriété d'un appartement valant 400 000 € verra cette valeur ramenée à 240 000 € pour le calcul des droits. Si la donation bénéficie à deux enfants, chacun reçoit l'équivalent de 120 000 €, et après l'abattement de 100 000 €, seuls 20 000 € seront taxés pour chacun.

Le second avantage majeur intervient au décès de l'usufruitier. L'usufruit s'éteint automatiquement et les nus-propriétaires deviennent pleins propriétaires sans aucune fiscalité supplémentaire. Aucun droit de succession n'est dû sur cette reconstitution de la pleine propriété.

L'assurance-vie, le véhicule de transmission privilégié

Si vous souhaitez transmettre une partie de votre patrimoine de manière très simple, l’assurance-vie est certainement la solution idéale. En commençant à épargner sur votre contrat d’assurance-vie, vos bénéficiaires pourront en effet récupérer l’argent en cas de décès. Sachez également qu’un abattement de 152 500 € sur le montant du contrat est appliqué pour chaque bénéficiaire, pour tous les versements réalisés sur le contrat d’assurance-vie avant vos 70 ans. Toutefois, si les sommes d’argent ont été versées après vos 70 ans, vos bénéficiaires profitent d’un abattement unique de 30 500 €.

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La transmission d'entreprise familiale

Pour les chefs d'entreprise, transmettre son patrimoine de son vivant inclut nécessairement la question du patrimoine professionnel. Le pacte Dutreil représente un dispositif fiscal spécialement conçu pour assurer la pérennité des entreprises familiales en allégeant considérablement le coût de leur transmission.

Ce mécanisme permet un abattement de 75% sur la valeur de l'entreprise pour le calcul des droits de mutation. Pour en bénéficier, des conditions strictes doivent être respectées. Un engagement collectif de conservation des titres d'une durée de 2 ans doit être pris par le donateur et d'autres associés. Au moment de la transmission, les héritiers ou donataires doivent prendre un engagement individuel de conservation des titres pour 4 ans supplémentaires. L'un des signataires du pacte ou l'un des héritiers doit exercer une fonction de direction dans l'entreprise pendant toute la durée du pacte.

En complément de cet abattement massif, une réduction de 50% des droits de donation restants est accordée si la donation est faite en pleine propriété avant les 70 ans du donateur. Ces avantages cumulés peuvent réduire de plus de 90% le coût fiscal de la transmission, rendant possible ce qui serait autrement financièrement inabordable pour les héritiers.

La Société Civile Immobilière (SCI)

La création d'une Société Civile Immobilière (SCI) constitue un excellent outil pour préparer la transmission d'un patrimoine immobilier. Plutôt que de posséder des biens immobiliers en direct, cette structure permet de les détenir via une société. Le propriétaire ne possède plus des murs, mais des parts sociales.

Cette approche offre plusieurs avantages significatifs pour transmettre son patrimoine de son vivant. La transmission progressive devient beaucoup plus simple car il est plus facile de donner des parts sociales que des "morceaux" d'un appartement. Il devient possible d'organiser des donations successives de parts aux enfants, en profitant du renouvellement des abattements tous les 15 ans, sans nécessiter de passage chez le notaire à chaque opération après la première donation.

La SCI permet également d'éviter l'indivision au moment du décès. Les héritiers ne se retrouvent pas en indivision sur un bien, situation souvent source de conflits, mais deviennent associés dans une société dont les règles de gestion sont clairement définies dans les statuts.

L'optimisation peut être poussée plus loin en combinant la SCI et le démembrement. Il devient possible de donner la nue-propriété des parts sociales tout en conservant l'usufruit. Les parents gardent ainsi la maîtrise de la société et la perception des revenus, tout en ayant transmis la valeur du patrimoine.

 

Transmettre son patrimoine de son vivant représente bien plus qu'une simple optimisation fiscale. Cette démarche constitue un acte d'amour et de protection envers ses proches, permettant de les accompagner dans les moments importants de leur existence tout en préservant l'harmonie familiale.

Les solutions disponibles sont nombreuses, efficaces et souvent cumulables. De la donation directe à la structuration via une SCI ou un pacte Dutreil, chaque outil répond à des objectifs spécifiques et peut s'adapter à des situations patrimoniales diverses. La complexité de ces mécanismes et l'importance des enjeux financiers et familiaux rendent indispensable l'accompagnement par des professionnels qualifiés.

Un notaire, un conseiller en gestion de patrimoine ou un avocat fiscaliste possèdent l'expertise nécessaire pour analyser votre situation globale et vous aider à construire la stratégie de transmission la plus adaptée à vos besoins et à ceux de vos proches. Car au final, anticiper c'est décider, et décider c'est protéger ceux que l'on aime.